Taner Kılıç c. Turquie (no 2) (Requête no 208/18)

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AFFAIRE TANER KILIÇ c. TURQUIE (N° 2)

114.  À la lumière de ce qui précède, la Cour conclut que le Gouvernement n’a pas pu démontrer que, à la date de la mise en détention provisoire du requérant ou aux phases subséquentes de la détention provisoire, les éléments de preuve cités par les juges nationaux satisfaisaient au critère de « soupçons plausibles » requis par l’article 5 de la Convention, et pouvaient ainsi convaincre un observateur objectif que le requérant avait pu commettre l’infraction reprochée pour laquelle il avait été détenu.

115.  Quant à la notion de « plausibilité » des soupçons sur lesquels doit se fonder la détention pendant l’état d’urgence, la Cour observe d’emblée que le présent grief n’a pas pour objet, au sens strict, une mesure dérogatoire prise pendant la période d’état d’urgence. Les juges nationaux ont décidé de mettre le requérant en détention provisoire et de prolonger celle-ci en invoquant sa prétendue appartenance à une organisation terroriste, en application de l’article 100 du CPP, disposition qui n’a pas subi de modifications pendant la période d’état d’urgence. La mise en détention de l’intéressé a donc été décidée sur le fondement de la législation qui était en vigueur avant la déclaration de l’état d’urgence, législation qui est d’ailleurs toujours applicable (voir, entre autres, Akgün, précité, § 183). Dans ces circonstances, la mesure litigieuse ne peut pas être considérée comme ayant respecté la stricte mesure requise par la situation. Conclure autrement réduirait à néant les conditions minimales de l’article 5 § 1 c) en matière de plausibilité des soupçons motivant des mesures privatives de liberté, et irait à l’encontre du but poursuivi par l’article 5 de la Convention.

116.  À la lumière de ces considérations, la Cour estime que, en l’espèce, l’interprétation et l’application des dispositions légales invoquées par les autorités internes ont été déraisonnables au point de conférer à la privation de liberté subie par le requérant un caractère irrégulier et arbitraire.

Il y a donc eu violation de l’article 5 § 1 de la Convention à raison de l’absence de raisons plausibles de soupçonner le requérant d’avoir commis une infraction, tant à la date de la mise en détention provisoire du requérant qu’après la prolongation de celle-ci.

119.  En l’occurrence, la Cour a déjà constaté qu’aucun fait ni aucune information de nature à faire naître des soupçons justifiant la détention provisoire du requérant n’avaient été exposés par les juridictions nationales, à aucun moment de la privation de liberté de l’intéressé (paragraphe 116 ci-dessus) et qu’il n’y avait donc pas de raisons plausibles de le soupçonner d’avoir commis une infraction. Elle rappelle que la persistance de raisons plausibles de soupçonner la personne détenue d’avoir commis une infraction est une condition sine qua non de la régularité du maintien en détention (Selahattin Demirtaş (no 2), précité, § 355, avec les références qui y sont citées). En l’absence de telles raisons, la Cour estime qu’il y a également eu violation de l’article 5 § 3 de la Convention.

155.  Dans la présente affaire, la privation de liberté du requérant a constitué une ingérence dans l’exercice de ses droits découlant de l’article 10 de la Convention. La Cour a déjà conclu que la détention du requérant n’était pas justifiée par des raisons plausibles de soupçonner qu’il avait commis une infraction au sens de l’article 5 § 1 c) de la Convention, et qu’il y avait donc eu violation de son droit à la liberté et à la sûreté prévu à l’article 5 § 1 (paragraphe 115 ci-dessus). Elle note aussi qu’en vertu de l’article 100 du CPP turc, une personne ne peut être mise en détention provisoire que lorsqu’il existe des éléments factuels donnant lieu à de forts soupçons que cette personne a commis une infraction ; elle estime, à cet égard, que l’absence de raisons plausibles aurait dû impliquer, a fortiori, l’absence de forts soupçons lorsque les autorités nationales ont été invitées à apprécier la régularité de la détention. La Cour rappelle en outre que les alinéas a) à f) de l’article 5 § 1 de la Convention contiennent une liste exhaustive des motifs pour lesquels une personne peut être privée de sa liberté ; pareille mesure n’est pas régulière si elle ne relève pas de l’un de ces motifs (Khlaifia et autres c. Italie [GC], no 16483/12, § 88, 15 décembre 2016).

156.  Par ailleurs, les exigences de légalité prévues aux articles 5 et 10 de la Convention visent à protéger l’individu contre l’arbitraire. Il en ressort qu’une mesure de détention qui n’est pas régulière, pourvu qu’elle constitue une ingérence dans l’une des libertés garanties par la Convention, ne saurait être considérée en principe comme une restriction prévue par la loi nationale à cette liberté (Şık c. Turquie (no 2), précité, § 187, avec les références qui y sont citées).

158.  Dès lors, il y a eu violation de l’article 10 de la Convention.

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