Pshibiyev and Berov v. Russia (Application no. 63748/13)
37. S’agissant des maisons d’arrêt russes, la Cour a jugé que la séparation d’avec les visiteurs par une paroi empêchant tout contact physique était injustifiée en l’absence d’éléments concrets démontrant la dangerosité du détenu ou l’existence d’un risque de sécurité ou de collusion (Moïsseïev, précité, §§ 257‑259, Andrey Smirnov, précité, § 55, et Chaldayev, précité, § 60).
40. La Cour relève que les restrictions apportées aux visites obtenues par les requérants étaient fondées sur le paragraphe 143 du règlement intérieur des maisons d’arrêt et appliquées automatiquement à tout détenu (paragraphe 17 ci‑dessus). À cet égard, elle rappelle que, en matière de droits de visite, l’État ne peut avoir toute latitude pour introduire des restrictions générales sans prévoir une dose de flexibilité permettant de déterminer si les limitations apportées dans chaque cas particulier sont opportunes ou réellement nécessaires (Khoroshenko, précité, § 126, Andrey Smirnov, précité, § 54, et Chaldayev, précité, § 64).
41. La Cour constate qu’il n’y a eu, en l’espèce, aucun examen préalable de la question de savoir si la nature de l’infraction en cause ou les éléments caractérisant la situation des requérants ou bien les impératifs de sécurité en vigueur au sein de l’établissement concerné justifiaient d’assurer, tout au long de la détention des intéressés, la séparation physique de ces derniers d’avec leurs proches respectifs et la présence d’un gardien lors des visites de ceux‑ci.
42. Ces éléments suffisent à la Cour pour conclure qu’il y a eu violation de l’article 8 de la Convention.
51. Bien que des visites aient été accordées en l’espèce aux requérants pendant la période litigieuse, la Cour estime que leurs modalités, caractérisées par l’impossibilité pour ceux-ci d’avoir un contact physique avec leurs proches, et ce pendant plus de dix ans, n’ont pas permis aux intéressés de maintenir un contact « acceptable » ou raisonnablement « bon » avec leurs familles respectives (Khoroshenko, précité, § 143 ; voir, également, Moïsseïev, précité, § 258, en ce qui concerne les effets néfastes de l’absence prolongée de contact physique). À cet égard, elle note que, selon la règle 24.4 des Règles pénitentiaires européennes, les modalités des visites doivent permettre aux détenus de maintenir et de développer des relations familiales de façon aussi normale que possible (paragraphe 21 ci‑dessus). Le commentaire à la règle 24.4 susmentionnée souligne l’importance particulière des visites non seulement pour les détenus, mais aussi pour leurs familles, et préconise, lorsque cela est possible, des visites familiales de longue durée (paragraphe 22 ci‑dessus).
52. La Cour constate que, d’après le CESP, les détenus condamnés ont le droit de recevoir au moins une visite longue par an (paragraphes 19‑20 ci‑dessus), alors que, d’après la loi no 103‑FZ, les personnes qui, à l’instar des requérants, ont été placées dans une maison d’arrêt ne peuvent pas en bénéficier (Resin, précité, § 40, et Chaldayev, précité, § 77). À cet égard, la Cour tient compte de la règle no 99 des Règles pénitentiaires européennes, qui dispose que, à moins qu’une autorité judiciaire n’ait, dans un cas individuel, prononcé une interdiction spécifique pour une période donnée, les prévenus doivent pouvoir recevoir des visites et être autorisés à communiquer avec leur famille et d’autres personnes dans les mêmes conditions que les détenus condamnés. En outre, les prévenus doivent pouvoir recevoir des visites supplémentaires et aussi accéder plus facilement aux autres formes de communication (paragraphe 21 ci-dessus).