Jarrand c. France (Requête no 56138/16)
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60. S’agissant de la privation de liberté qui a suivi cette arrestation, la Cour relève tout d’abord que les juridictions internes saisies à la suite de la plainte avec constitution de partie civile ne se sont pas prononcées sur la question du respect de l’article 5 § 1 de la Convention, alors même que cette plainte dénonçait la rétention arbitraire dont le requérant aurait fait l’objet et que l’appel et le recours en cassation exercés ultérieurement invoquaient la méconnaissance de cette disposition.
62. La Cour a estimé dans cette affaire que le requérant avait été privé de sa liberté au sens de l’article 5 § 1 de la Convention mais que cette privation de liberté s’était déroulée « selon les voies légales », sur le fondement de l’article 62 du code de procédure pénale dans sa version alors applicable (il s’agissait comme en l’espèce de la version applicable du 10 mars 2004 au 1er juin 2011). Elle a constaté à cet égard qu’à l’époque des faits, les officiers de police judiciaire avait deux possibilités face à des personnes soupçonnées d’avoir commis ou tenté de commettre une infraction : les retenir, en application de cette disposition, ou les placer en garde à vue, en application de l’article 63 du même code. La Cour a ensuite recherché si cette privation de liberté était justifiée et si un équilibre raisonnable avait été ménagé entre les intérêts en cause. Elle a constaté à cet égard que le requérant avait été interpellé pour des faits susceptibles de caractériser le délit d’usage de fausses plaques d’immatriculation, que les policiers qui avaient procédé à son interpellation n’avaient usé d’aucune mesure de contrainte et qu’un témoin avait attesté de son attitude agressive et hautaine. Elle en a déduit que « l’interpellation [du requérant et sa] privation de liberté subséquente [n’avaient pas excédé] les impératifs de sécurité et étaient conformes aux buts poursuivis par l’article 5 § 1 ». La Cour a ensuite relevé que, dans les circonstances de l’espèce, la rétention du requérant, qui avait duré une heure et vingt-cinq minutes, avait été limitée à ce qui était strictement nécessaire.
63. La Cour prend note de la position du Gouvernement selon laquelle, nonobstant l’article 62 du code de procédure pénale dans sa version alors en vigueur (soit la version applicable du 10 mars 2004 au 1er juin 2011), « la privation de liberté du requérant consécutive à son interpellation n’a pas été faite dans le respect des formes légales » étant donné qu’il « a été interpellé, menotté et, dès lors conduit sous la contrainte devant l’officier de police judiciaire [et qu’] il a, de ce fait, été privé de liberté au cours de son transport sans bénéficier, par la suite, du régime de la garde à vue et des droits qui y étaient associés ».
66. Il se déduit de la décision précitée du Conseil constitutionnel du 18 novembre 2011 l’existence, en droit interne, déjà à l’époque des faits litigieux, d’une exigence de niveau constitutionnel selon laquelle toute personne entendue, après avoir été conduite devant un officier de police judiciaire sous la contrainte, doit pouvoir bénéficier des garanties particulières liées au placement en garde à vue. Il s’ensuit que l’audition du requérant au commissariat de police de Grenoble, le 12 juillet 2010, qui a eu lieu sans placement en garde à vue alors qu’il y avait été conduit sous la contrainte, est constitutive d’une privation de liberté qui ne s’est pas déroulée « selon les voies légales ».
67. Partant, il y a eu violation de l’article 5 § 1 de la Convention.