İlker Deniz Yücel c. Turquie (Requête no 27684/17)
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92. En l’occurrence, la Cour observe que, le 14 février 2017, le requérant a été placé en garde à vue. Le 27 février 2017, l’intéressé a été traduit devant le juge de paix d’Istanbul, qui a ordonné sa mise en détention provisoire.
93. La Cour note de plus que, à la suite de l’exercice par le requérant d’un recours individuel devant la Cour constitutionnelle, par un arrêt rendu le 28 mai 2019, la haute juridiction a estimé, après avoir examiné le contenu des articles incriminés rédigés par le requérant, que la forte indication qu’une infraction avait été commise n’était pas suffisamment démontrée en l’espèce. S’agissant de l’application de l’article 15 de la Constitution (prévoyant la suspension de l’exercice des droits et libertés fondamentaux en cas de guerre, de mobilisation générale, d’état de siège ou d’état d’urgence), elle a conclu que la privation de liberté litigieuse n’était pas proportionnée avec les strictes exigences de la situation.
94. En l’occurrence, la Cour observe qu’il a été établi par la Cour constitutionnelle que le requérant a été mis et maintenu en détention provisoire en violation de l’article 19 § 3 de la Constitution. Elle estime que cette conclusion revient en substance à reconnaître que la privation de liberté subie par l’intéressé a enfreint l’article 5 § 1 de la Convention. Dans les circonstances particulières de la présente affaire, la Cour souscrit aux conclusions auxquelles la Cour constitutionnelle est parvenue à la suite d’un examen approfondi (Bulaç, précité, § 71).
95. […] Cependant, dans la présente affaire, c’est en application de l’article 100 du CPP que le requérant a été placé en détention provisoire. Il convient notamment d’observer que cette disposition, qui exige la présence d’éléments factuels démontrant l’existence de forts soupçons quant à la commission de l’infraction, n’a pas subi de modifications pendant la période d’état d’urgence. Ainsi, la détention provisoire dénoncée dans la présente affaire a été prise sur le fondement de la législation qui était applicable avant et après la déclaration de l’état d’urgence. Par conséquent, elle ne saurait être considérée comme ayant respecté les conditions requises par l’article 15 de la Convention, puisque, finalement, aucune mesure dérogatoire n’aurait pu s’appliquer à la situation. Conclure autrement réduirait à néant les conditions minimales de l’article 5 § 1 c) de la Convention (Kavala c. Turquie, no 28749/18, § 158, 10 décembre 2019).
96. À la lumière de ce qui précède, il y a eu en l’espèce violation de l’article 5 § 1 de la Convention compte tenu de l’absence de raisons plausibles de soupçonner le requérant d’avoir commis une infraction pénale.