Hakim Aydın c. Turquie (Requête no 4048/09)
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I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 5 § 1 DE LA CONVENTION
35. En l’occurrence, la Cour observe que le requérant a été arrêté le 16 octobre 2008 pour sa participation aux événements qui ont eu lieu la veille. Il ressort notamment du dossier que, lors de ces événements, des actes d’entrave à l’éducation ont été perpétrés par des manifestations. Par ailleurs, selon le procès-verbal d’arrestation, il était soupçonné non seulement d’avoir mené une campagne pour l’emploi de la langue maternelle dans l’éducation, mais aussi d’avoir entravé le droit à l’éducation (paragraphe 7 ci-dessus), qui constitue une infraction pénale (paragraphe 23 ci-dessus). […]
38. Pour ce qui est de la nature de l’infraction, la Cour observe notamment qu’il ressort des motivations avancées par le juge assesseur que ce dernier s’est appuyé sur le fait que l’infraction reprochée figurait parmi les infractions dites « cataloguées » pour ordonner la mise en détention du requérant. Or, contrairement à l’affirmation du juge assesseur, l’infraction prévue à l’article 7 § 2 de la loi no 3713 – ainsi que celle concernant l’entrave à l’éducation – n’était pas considérée par le législateur turc comme une telle infraction. En outre, il ne ressort pas du dossier que le requérant a été suspecté ou accusé d’une infraction dite « cataloguée » au cours de sa détention provisoire. Par conséquent, le juge assesseur ne pouvait pas présumer l’existence d’un motif de détention, à savoir le risque de fuite ou le risque d’altération des preuves ou de pressions sur les témoins, les victimes et autres personnes, et se prévaloir de la présomption légale quant à l’existence des motifs de détention pour justifier la détention en question.
40. Par conséquent, la Cour estime que le placement en détention du requérant le 19 octobre 2008, ordonné par le juge assesseur au motif qu’il s’agissait d’une infraction cataloguée, n’était pas conforme à la législation nationale. Il en résulte que les motifs invoqués par les autorités nationales ne peuvent constituer une base suffisante pour justifier la détention provisoire du requérant au moins pour la période du 19 octobre au 4 décembre 2008 (paragraphe 15 ci-dessus).
Il y a donc eu violation de cette disposition.
II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 11 DE LA CONVENTION
50. La Cour observe que le 16 octobre 2008, le requérant a été arrêté par la police. Bien qu’il ressort du procès-verbal d’arrestation qu’il était soupçonné non seulement d’avoir mené une campagne pour l’emploi de la langue maternelle dans l’éducation, mais aussi d’avoir entravé le droit à l’éducation, le Gouvernement reconnaît qu’il a été arrêté pour sa participation à une déclaration de presse, à un défilé et à un sit-in organisés dans le campus universitaire de Diyarbakır. En effet, il ressort des procès-verbaux d’interrogatoire que le requérant n’a pas été questionné sur son éventuelle implication dans les actes tendant à entraver le droit à l’éducation lors des manifestations en question. Par ailleurs, il est établi que les manifestations auxquelles le requérant a pris part étaient pacifiques. Par conséquent, la Cour conclut que la privation de la liberté du requérant ordonnée par les juridictions nationales pour sa participation aux événements du 15 octobre 2008 a constitué une ingérence dans l’exercice de son droit garanti par l’article 11 de la Convention (voir, mutatis mutandis, Steel et autres c. Royaume-Uni, 23 septembre 1998, §§ 92-93, Recueil des arrêts et décisions 1998‑VII).
51. La Cour rappelle avoir constaté ci-dessus (paragraphe 40) que la mise en détention provisoire du requérant n’a pas respecté le droit turc et ne saurait dès lors passer pour régulière au sens de l’article 5 § 1 de la Convention. En effet, le requérant a été arrêté et puis placé en détention provisoire, entre autres, pour sa participation aux manifestations du 15 octobre 2008, qui a été considérée par le juge assesseur comme un des éléments constitutif de l’infraction de la propagande terroriste (paragraphe 35 ci-dessus). Comme il a été souligné ci-dessus (paragraphe 40), la mise en détention du requérant n’était pas conforme à la législation nationale, dans la mesure où, contrairement à l’affirmation du juge assesseur, l’infraction prévue à l’article 7 § 2 de la loi no 3713 n’était pas considérée par le législateur turc comme une infraction « cataloguée » (paragraphe 38 ci-dessus).
Or, l’article 11 § 2 voulant qu’une ingérence dans l’exercice de la liberté de réunion pacifique soit « prévue par la loi » au même titre que l’article 5 § 1 exige que toute privation de liberté soit « régulière », il s’ensuit que la mise en détention provisoire du requérant n’était pas « prévue par la loi » au regard de l’article 11 § 2 de la Convention (pour une approche similaire, voir ibidem, § 94).
52. Eu égard à cette conclusion, la Cour n’estime pas nécessaire en l’espèce de contrôler le respect des autres exigences du paragraphe 2 de l’article 11.
Il y a donc eu violation de l’article 11 de la Convention.