Alıcı et autres c. Turquie (Requête no 70098/12)
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37. Cela étant constaté, en ce qui concerne la suite des évènements, la Cour note que même si le Gouvernement soutient que les requérants ont été conduits au commissariat pour avoir résisté aux policiers, aucun élément dans le dossier démontre qu’une action quelconque a été entreprise concernant ce chef d’accusation. Cet élément ne peut donc justifier la longueur de la détention.
38. Par ailleurs, la Cour observe que les requérants n’ont été relaxés qu’à 14 h 50 alors que leurs identités avaient été déterminés à 4 h 50. À supposer même que les forces de sécurité les aient conduits au commissariat en raison de leur refus de décliner leur identité et afin d’établir les amendes administratives, rien ne justifie leur détention à partir de 4 h 50, l’heure du procès-verbal à partir de laquelle l’identité de 74 personnes dont les requérants avait été déterminée (voir, mutatis mutandis, Vasileva c. Denmark, précité, § 41). La Cour estime que la prolongation de la détention au-delà de l’établissement de l’identité confirme que le véritable but était d’empêcher les requérants de se rendre à Ankara pour participer à la manifestation. En tout état de cause, la détention n’était plus justifiée pour assurer l’exécution de l’obligation de décliner l’identité et ne relevait donc plus de l’article 5 § 1 b).
39. Du point de vue du second volet de l’article 5 § 1 c), il ressort des documents contenus dans le dossier et des observations du Gouvernement que lors de l’arrestation, les requérants avaient été informés par les policiers que toutes les manifestations prévues les 28 et 29 mars 2012 dans la capitale avaient été interdites pour des raisons de sécurité et d’ordre public, et les requérants avaient été priés de retourner chez eux, ce qui suppose qu’ils avaient été soupçonnés de perturber la sécurité et l’ordre public s’ils allaient manifester comme prévu. La Cour constate que les autorités n’ont pas démontré de manière convaincante que, selon toute probabilité, les requérants auraient participé à la commission d’une infraction concrète et déterminée s’ils n’en avaient pas été empêchés par une arrestation ou d’une détention en vue d’un contrôle d’identité ou d’une autre raison (S., V. et A. c. Danemark, précité, § 91).
40. Les éléments des dossiers ne démontrent pas que toutes les conditions étaient remplies en vue de l’arrestation et de la détention des requérants pour les forcer à exécuter une obligation concrète et déterminée qui leur incombait déjà et qu’ils avaient jusque-là négligé de remplir.
41. À supposer même que l’ingérence dans leur droit à la liberté, protégé par l’article 5 de la Convention, était conforme à la législation nationale, la Cour estime qu’une arrestation n’est admissible que si l’exécution de « l’obligation prescrite par la loi » ne peut être obtenue par des mesures moins sévères (Khodorkovskiy c. Russie, précité, § 136 ), et qu’en outre le principe de proportionnalité veut qu’un équilibre soit ménagé entre la nécessité dans une société démocratique de garantir l’exécution immédiate de l’obligation dont il s’agit, et l’importance du droit à la liberté (Saadi c. Royaume-Uni [GC], précité, § 70 ).
42. Partant, il y a eu violation de l’article 5 § 1 de la Convention.