Affaire Wa Baile c. Suisse (Requêtes nos 43868/18 et 25883/21)

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94.  À la lumière des principes pertinents rappelés ci-dessus et eu égard à la conclusion du tribunal administratif selon laquelle le contrôle subi par le requérant n’était justifié par aucune raison objective (paragraphe 28 ci‑dessus), la Cour estime que les autorités compétentes avaient l’obligation de rechercher si le contrôle d’identité et la fouille auxquels le requérant avait été soumis avaient ou non une motivation raciste.
130.  Compte tenu de ce qui précède, la Cour estime que le défaut d’un cadre juridique et administratif suffisant est susceptible de donner lieu à des contrôles d’identité discriminatoires.

134.  […] Elle estime cependant que la présente espèce se distingue de ladite affaire [’affaire Basu (précitée, § 38)] au moins sur un point décisif, apte à justifier qu’en l’occurrence l’examen de cette question se poursuive. Ce point est le suivant : en la présente espèce, le tribunal administratif, dans son arrêt du 1er octobre 2020 (paragraphe 28 ci-dessus), est parvenu à la conclusion que le contrôle subi par le requérant, pour autant qu’il reposait sur les motifs avancés par le policier qui l’avait effectué (paragraphe 5 ci-dessus), était illicite et ne pouvait pas être justifié par des raisons objectives. La Cour en déduit qu’en l’absence d’un motif valable pour ledit contrôle, il existe dans le cas d’espèce une forte présomption en faveur de la thèse selon laquelle le contrôle d’identité – fouille comprise – dont le requérant se plaint devant la Cour a été effectué pour des motifs discriminatoires. Le Gouvernement n’a pas invoqué devant la Cour d’éléments susceptibles de réfuter cette présomption dans le cas concret. Certes, il soutient que le requérant n’est pas la seule personne à avoir été contrôlée ce jour-là, mais il ne précise pas combien d’autres personnes auraient subi un tel contrôle ni ne fournit d’autres détails pertinents à cet égard. Or seul l’État défendeur peut produire des éléments de cette nature, et aucune explication propre à justifier en l’occurrence le défaut de production de telles preuves n’a été avancée par le Gouvernement en l’espèce. Dès lors, l’argument du Gouvernement s’avère trop vague pour que la Cour puisse le juger apte à réfuter la présomption de traitement discriminatoire.

135.  La Cour rappelle également que certains rapports d’instances internationales consacrées à la défense des droits de l’homme font état de cas de profilage racial par la police en Suisse (paragraphes 45 et 54 ci-dessus), constat confirmé par ailleurs par les observations de certaines parties intervenantes, en particulier par celles d’Amnesty International (paragraphes 121 et 122 ci-dessus). Considérées dans leur ensemble, ces affirmations sont susceptibles de renforcer la présomption réfutable selon laquelle le requérant a subi un traitement discriminatoire (voir, a contrario, Natchova et autres, précité, § 157). De son côté, le Gouvernement soutient que des données statistiques en la matière n’étaient pas disponibles à l’époque, ce que dénoncent les instances internationales et les parties intervenantes.

136.  Compte tenu de ce qui précède, la Cour, bien consciente des difficultés qu’il y a pour les agents de police à décider, très rapidement et sans nécessairement disposer d’instructions internes claires, s’ils sont confrontés à une menace pour l’ordre ou la sécurité publics, conclut qu’il existe, dans le cas concret, une présomption de traitement discriminatoire à l’égard du requérant et que le Gouvernement n’est pas parvenu à la réfuter. Partant, il y a eu violation de l’article 14 de la Convention combiné avec l’article 8.

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