Affaire Murat Aksoy c. Turquie (Requête no 80/17)
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109. La Cour note de plus que, à la suite de l’exercice par le requérant
d’un recours individuel devant la Cour constitutionnelle, par un arrêt rendu
le 2 mai 2019, la haute juridiction a estimé que le requérant avait été placé
en détention provisoire pour ses articles et pour ses publications sur les
médias sociaux. Selon elle, le contenu de ceux-ci consistait en des critiques
dirigées contre le gouvernement et ses politiques et qu’ils ne s’entendaient
pas comme une incitation à la violence. Rappelant qu’une personne ne
devait pas être accusée d’une infraction liée au terrorisme uniquement parce
qu’elle avait exprimé ses opinions, la Cour constitutionnelle a conclu que
« la forte indication qu’une infraction a[vait] été commise » n’était pas
suffisamment démontrée lors du placement initial du requérant en détention
provisoire. De même, elle a estimé qu’une forte indication qu’une infraction
avait été commise n’était pas suffisamment démontrée s’agissant de la
privation de liberté de l’intéressé à partir du 14 avril 2017. S’agissant de
l’application de l’article 15 de la Constitution (prévoyant la suspension de
l’exercice des droits et libertés fondamentaux en cas de guerre, de
mobilisation générale, d’état de siège ou d’état d’urgence), elle a conclu
que, la privation de liberté litigieuse n’était pas proportionnée avec les
strictes exigences de la situation.
165. La Cour note par ailleurs que la mise en détention provisoire des
voix critiques crée des effets négatifs multiples, aussi bien pour la personne
mise en détention que pour la société tout entière car infliger une mesure
résultant à la privation de liberté, comme ce fut le cas en l’espèce, produit
immanquablement un effet dissuasif sur la liberté d’expression en
intimidant la société civile et en réduisant les voix divergentes au silence.
167. À la lumière de ce qui précède, la Cour conclut à la violation de
l’article 10 de la Convention.